Les parlementaires Radicaux votent pour la réforme constitutionnelle

Publié le par eric montes

Les médias nationaux se sont faits largement l'écho du vote favorable des parlementaiees Radicaux pour la réforme constitutionnelle, certains dans des propos désobligeants laissant entendre des négociations occultes "inavouables" ou d'une démarche pour rejoindre la majorité de Sarkozy. Il n'en est rien : les Radicaux de Gauche restent toujours à Gauche mais ils ont voulu privilégier le fonds du projet de loi à savoir améliorer "un peu" cette mauvaise constitution que les Radicaux ont toujours dénoncé depuis son avènement en 1958.
Afin de "juger sur pièce", il m'a paru interessant de publier "in-extenso" le discours d'explication de vote du président du PRG Jean Michel BAYLET lors du congrès.Le RDSE (Rassemblement Démocratique Social Européen) est le groupe du PRG au Sénat.
eric Montes


DISCOURS DE JEAN MICHEL BAYLET AU CONGRES DE VERSAILLES AU NOM DU GROUPE RDSE ET DU PRG

Monsieur le Président du Congrès, Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Premier Ministre, Mes chers collègues,

En 1958, ils n’étaient pas nombreux les dirigeants de la gauche non-communiste qui s’opposaient à l’adoption de la Constitution de la Vème République. Ils s’appelaient Pierre Mendès-France, Jean Baylet (eh oui), Maurice Bourgès-Maunoury, ou encore François Mitterrand.

Ils refusaient de façon courageuse et isolée la nouvelle loi fondamentale car ils la regardaient non seulement comme une ratification du 13 mai, mais comme sa consolidation, par le déséquilibre patent des pouvoirs au profit de l’exécutif, François Mitterrand allant même jusqu’à condamner « le coup d’Etat  permanent » opéré par la Constitution de 1958 et par sa pratique.

Les principales réformes constitutionnelles intervenues depuis 1958, celle de 1962 sur l’élection du Président au suffrage universel et celle de 2000 sur le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, ont encore renforcé ce déséquilibre et ont généré ses conséquences les plus visibles, à savoir la permanence du fait majoritaire et l’effacement progressif du Premier Ministre.

Pour leur part, les radicaux n’ont pas changé de position. Nos aînés étaient hostiles à la Constitution de 1958 et nous y restons opposés.

Nous avons milité depuis pour l’avènement d’une VIème République dont la Constitution garantirait la stricte séparation des pouvoirs, de même que l’épanouissement des libertés individuelles dans le respect des principes de justice, de solidarité et de laïcité. Pour ce faire, les Députés et Sénateurs radicaux de gauche ont même déposé, lors de la précédente législature, une proposition de loi constitutionnelle visant à l’instauration de cette « République moderne » au Parlement libéré et aux citoyens replacés au cœur de l’action publique. Nous avions déduit les conséquences logiques de la situation actuelle qu’on pourrait résumer ainsi : tous les inconvénients de la présidentialisation sans les avantages du régime présidentiel. Nous proposions donc la suppression de la fonction de Premier Ministre et l’abolition symétrique du droit de censure et du droit de dissolution.

En conséquence, les radicaux n’ont pas dissimulé leur déception lors de la présentation du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République  : nous sommes encore loin de la réforme en profondeur qu’ils appellent de leur vœux. Ils n’ont toutefois pas caché non plus leur intérêt pour ce texte : dans ces dispositions essentielles, il proposait des améliorations que nous réclamions depuis longtemps.

Tout en défendant leurs propres amendements –de même que le RDSE au nom duquel je m’exprime aujourd’hui– les radicaux de gauche ont participé, de manière loyale, constructive et pragmatique aux travaux des deux assemblées sur cette réforme. Et ils ont exprimé cet intérêt lors de chacun des votes, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, en précisant que leur abstention était une position ouverte et attentive.

Nous voici aujourd’hui à l’heure du bilan de ce travail et je le dis sans plus d’ambages, les radicaux de gauche dans leur grande majorité –et les autres membres du RDSE– vont approuver la réforme qui nous est proposée.

Et puisque la polémique s’est installée, sans trop de spontanéité d’ailleurs autour de cette position, je veux dire ici, dans la solennité de notre Congrès, en pesant chacun de mes mots mais avec la plus grande fermeté, que nul n’est autorisé, si ce n’est nos électeurs, à juger le choix des radicaux, un choix dicté par nos convictions, un choix libre, opéré en conscience et à mille lieues des spéculations que certains ont cru pouvoir nous prêter.

Je n’ai donc pas à justifier la position prise par les radicaux. Je veux cependant l’expliquer en fonction des valeurs constitutives du radicalisme.

D’abord, nous sommes républicains et nous regardons comme un progrès tout ce qui rééquilibre les institutions au profit des citoyens et de leurs représentants. Il en va ainsi du respect du pluralisme politique, du droit d’initiative législative des citoyens, du droit permanent de réponse de l’opposition au Président de la République , des nombreuses améliorations du travail parlementaire, qu’il s’agisse de la procédure législative ou des pouvoirs de contrôle et d’investigation des deux assemblées. Bien loin de nous satisfaire totalement, ces différentes avancées contribuent indiscutablement à une plus large respiration de notre démocratie.

Ensuite, les radicaux ont la raison pour méthode. Et il nous semble que la raison ne trouve pas son compte si l’on voit des formations politiques voter contre des réformes qu’elles ont toujours demandées ou si l’on voit, tout à l’heure, un Parlement refuser l’extension de ses prérogatives. J’entends les motifs qui sont avancés pour des choix aussi paradoxaux et je connais ceux qui ne sont pas exprimés : on a voulu transformer une réflexion nationale en une action partisane. Quoiqu’il en soit des motifs des uns et des autres, je dis en résumé qu’on peut avoir de bonnes raisons et n’avoir pas raison.

Les radicaux ont aussi une vision pragmatique de l’action politique. Ils savent que le mieux est souvent l’ennemi du bien et que l’on ne peut rêver d’idéal et d’absolu sans composer avec la réalité. Je l’ai déjà dit, nous regrettons que la réforme ne soit pas allée plus loin en particulier vers une concrétisation effective du pluralisme politique dans les modes de scrutin et dans la redéfinition du corps électoral du Sénat. Mais si nous allions, au nom de ces regrets, refuser ce que nous approuvons par ailleurs, nous aurions perdu sur les deux tableaux.

Mais surtout, les radicaux de gauche sont laïques. La laïcité n’est pas, comme ses adversaires voudraient le caricaturer, une pensée du combat anti-religieux. C’est bien plus et c’est bien mieux. La laïcité, c’est l’exigence d’un rempart de neutralité qui garantit la liberté des choix de conscience, la liberté d’entreprendre ou la liberté d’opinion. Voilà pourquoi notre République laïque affirme le rôle fondamental des partis politiques tout en proscrivant les mandats de vote impératifs. La discipline de vote qu’on souhaiterait –à droite comme à gauche– imposer dans ce débat n’est pas l’interdiction de penser. Et nous pensons que, sur un sujet aussi capital que les institutions, nous devons dépasser les clivages partisans traditionnels et nous laisser guider par la seule préoccupation du bien public.

Pour autant, nous n’estimons pas que ces clivages soient désuets ou inutiles. Les radicaux de gauche sont dans l’opposition et ils s’y tiennent fermement. Vous avez pu éprouver, Monsieur le Premier Ministre, comme plusieurs membres du gouvernement, cette fermeté dans le débat depuis plus d’un an : les radicaux de gauche s’opposent sans réserves à votre politique et notamment à ses effets sociaux. Ils ne seront pas moins déterminés demain qu’hier, soyez en assuré.

Mais pour aujourd’hui, nous avons à nous prononcer sur un sujet qui dépasse l’opposition habituelle entre la droite et la gauche. Voulons-nous , oui ou non, faire un pas significatif dans le sens de la modernisation et de la démocratisation de notre Constitution ? Pour les radicaux de gauche, pour le RDSE : la réponse est clairement « oui », clairement oui.

 

Publié dans actualité politique

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